samedi 22 octobre 2022

Les Anneaux de Pouvoir : Donjon & Mauvaise Foi



    “Le scénario est insipide et creux. Il y a trop de sous-intrigues. C’est incohérent. C’est long, et plein de scènes inutiles. Les acteurs sont mauvais et pas beaux. L'écriture et les dialogues sont tout simplement calamiteux. C’est tape à l'œil. Tolkien n’est pas respecté : les elfes ont des oreilles pointues ! Hérésie !”

    Tel est le type d'arguments des détracteurs de la série télé Les Anneaux de pouvoir. J'ignore ce qu’ils en attendaient, mais tout semble bon pour se justifier. Tout et son contraire. Quitte à être de mauvaise foi. Pourquoi un tel acharnement ? Pourtant, cette série est loin d’être aussi horrible qu’on peut le lire. Au contraire, on peut même éprouver du plaisir en la regardant ! 

    Alors qu’en est-il exactement ? Les Anneaux de pouvoir est une production d’Amazon pour contrer Le Trône de fer, le succès de son concurrent HBO. Même si Amazon a obtenu les droits de certains écrits de Tolkien, il a été dit dès le départ que cette série s'inspirerait du Seigneur des Anneaux. Car si la série se déroule dans le même cadre, elle n’a jamais prétendu en être une adaptation fidèle. Au contraire, elle prend des libertés et se réapproprie l’univers des Terres du milieu. On peut discuter de cette façon de faire mais tout était clair dès le départ. Aucune embrouille à ce niveau-là.

    Il ne faut pas non plus se leurrer sur les objectifs d’Amazon : faire du bénéfice. Cette série a par conséquent été conçue pour plaire au plus grand nombre. Elle n’hésite pas à prendre toutes les libertés qu’elle souhaite pour parvenir à ses fins. Mais aussi à y mettre les moyens. Les Anneaux de pouvoir est avant tout une série familiale. Ici, pas de sexe, pas d’hyper violence, pas de discours graveleux… Forcément certains trouvent ça insipide : tu imagines comme ça doit être chiant une série sans viol et sans tête coupée ? D’autres, au contraire, adhèrent à cette volonté de faire une série qui ne soit pas inutilement dérangeante ou choquante, mais légère et plaisante à regarder.

    Alors oui, il ne faut pas chercher de réalisme ou de cohérence dans cette série. Il y a des clichés, des anomalies, des facilités scénaristiques, mais dans les grandes aventures de ce type, c'est souvent le cas, et on n’en fait pas toute une histoire. Au contraire, on le sait d’avance, et on n’attend même que ça. Et puis, quelle importance tant quand on en prend plein les mirettes ? Il faut vraiment voir ces Anneaux comme un spectacle tout public, avec de l’action au goût du jour, dans des décors de toute beauté, et rien de plus (mais excusez du peu !) On est plus proche d'un film d’action à la Bruce Willis que d'un film de Rohmer. C’est une belle épopée fantastique avec des mystères et de grandes batailles, le tout joué par des acteurs et actrices qui assurent bien leur rôle. Cette série ne s’adresse pas aux uniques fans de Tolkien, mais à toutes et tous et ça, ça peut aussi en gêner quelques uns. 




    Bref, si vous aimez Tolkien et avez une image très précise de ce que doit être son œuvre et/ou si vous pensez que les elfes n’ont pas les oreilles pointues, passez votre chemin : cela vous évitera bien des déceptions ! En revanche, si vous aimez le med-fan et ne pas vous prendre la tête, n'hésitez pas à regarder cette série qui est avant tout, et quoiqu’on en dise, un divertissement très sympa.


mardi 26 juillet 2022

Mutations Glaciaires

 Mutations Glaciaires


En 1985, Gallimard s’associe à Télérama pour publier un magazine à destination des 11/16 ans : Piranha, "le journal qui vous dévore". Le concept est simple : un magazine culturel + un roman + un jeu (avh ou jdr). Mais, certainement parce que la revue n’a pas eu le succès escompté, elle s'est éteinte au bout d'une année. 

Cinq de ses numéros possédaient un jeu de rôle. Parmi ceux-ci, Mutations glaciaires, paru en novembre 1986. Une suite fut éditée dans le numéro suivant : La Cité de verre. Une troisième partie devait conclure cette série, mais le numéro n’étant jamais sorti, sa teneur en reste un mystère.


Écrit par Laurent Auday et Georges Besnard, et illustré par Donald Grant, c’est un jeu de rôle de format court puisque chaque encart tient en 8 pages seulement.

Comme le nom du jeu le laisse supposer, la Terre vit maintenant une ère importante de glaciation. Elle a entraîné une métamorphose géopolitique et sociale importante de notre société. Afin de se protéger du froid intense, on vit dans des villes-bulles plus ou moins indépendantes. Heureusement, la technologie n’a pas périclité et a permis à l’espèce humaine de résister face à ce fléau. Mieux que ça, elle a évolué et des robots lui permettent de maintenir son bien-être, voire de veiller à sa protection. Dans le même temps, des mutants commencent à apparaître en ville. Ces anomalies génétiques entraînent une violente répulsion, et des brigades anti-mutants voient rapidement le jour. 

Il n’en faut pas plus (de toute façon, ne cherchez pas : il n’y en a pas plus !) pour se lancer dans l’aventure. Le jeu propose d’ailleurs plusieurs aventures, mais elles sont très courtes - on devrait plutôt parler d’introductions. Elles permettent de découvrir deux facettes du monde de jeu : serez-vous le chasseur ou le fugitif ? Dans le premier cas, vous êtes un anti-mutant, et il vous faut rattraper des mutants qui viennent de s’évader d’une base secrète. Dans le second cas, vous êtes un mutant et vous devez vous évader d’une base secrète où vous êtes prisonnier.


Côté système de jeu, c’est très classique avec des caractéristiques et des compétences : on jette 3 dés et on doit faire autant ou moins que son score pour réussir. Notons toutefois qu’on y utilise une table de résolution de combat ,comme on pouvait alors en croiser dans les wargames : ce sont les types d’attaque et de défense qui détermine la difficulté de l’action. Ajoutez quelques modificateurs pour nuancer les situations et vous avez là quasi toutes les règles. 

Tout cela reste simple et largement suffisant pour tester le jeu. Tester, car, et c’est là le côté énervant du jeu, on nous y annonce plusieurs fois qu’il n’est qu’un préambule à une suite à venir dans des prochains numéros du magazine… mais l’un d’eux, on le sait donc, ne verra jamais le jour.

Évidemment, on ne peut pas parler de ce jeu sans évoquer La Compagnie des glaces, le jdr de Fabrice Cayla et de Jean-Pierre Pécau. D’autant plus que ce dernier est sorti quelques mois avant (coïncidence ?). On avait reproché à l’époque à la Compagnie des glaces, le jdr, son austérité, sa présentation bancale et surtout son inutile et relative complexité… En ce sens, Mutations glaciaires aurait pu être une alternative digne d'intérêt.

Ceci dit, Mutations glaciaires est un peu frustrant en ce qui concerne la création de persos. Il n’y en a pas, on joue avec des pré-tirés.  On n’y trouve pas de listes de mutations par exemple, ce qui est dommage puisque c'est le titre du jeu. Un poil plus de généralité sur les dessous et les aboutissants du monde auraient été bienvenus… Peut-être que ces sujets devaient être abordés dans la troisième partie, mais en l’absence de celle-ci, on en est là ! Ces manquements invitent à se demander si Mutations glaciaires atteignait vraiment son objectif, à savoir, initier les jeunes aux jdr. 

Malgré tout, j’ai pris du plaisir à lire cet ancêtre qui fleure bon les années 80. Mutations glaciaires, en plus de proposer un univers ni tout blanc, ni tout noir, permet de jouer les rôles opposés. On peut penser à INS/MV qui apparaitra 4 ans plus tard ou encore au génial Psy*run où l’on joue soit les poursuivis, soit les poursuivants. Je peux me tromper mais, à ma connaissance, Mutations glaciaires est un des premiers jeux à directement offrir cette possibilité. 

Imparfait mais intéressant, Mutations glaciaires est une curiosité rôlistique qui rendra peut-être nostalgique les plus anciens d’entre nous. À réserver aux collectionneurs.  

* * * * *

Bonus : Pour avoir une idée de ce que ce jeu peut rendre, vous pouvez écouter une partie  (précédée par une critique sans pitié du magazine !) par l’équipe du podcast PDVELH : clic !

 

samedi 22 janvier 2022

Retour au pays, de Robin Hobb

 


Retour au pays est un livre de Robin Hobb édité en 2004. Plus qu’un roman, c’est une grosse nouvelle de 200 pages, sous forme de journal intime. Dame Carillon y raconte comment elle a été contrainte par son mari de quitter sa douce Jamaillia pour rejoindre une terre lointaine. Au fil de notre lecture, nous en apprendrons plus quant aux tenants et aux aboutissants de cet exil et nous explorerons le mystérieux Désert des Pluies qui cache une cité antique encore plus étrange. Mais ce voyage est loin d’être de tout repos et nos aventurier.ères seront souvent malmené.es, à deux doigts de passer de vie à trépas, tant les conditions de vie sont catastrophiques, la nourriture rare, etc. Nous avons donc affaire à un récit qui nous plonge directement au cœur de l’Aventure avec un grand A, évoquant une expédition pleine de dangers et d’imprévus, un peu à la façon dont les premiers colons européens ont dû découvrir l’Amérique. Ce sentiment est d’autant plus fort que, bien qu’on le qualifie de “fantasy”, ce récit est essentiellement médiéval, avec un soupçon de fantastique.



Au-delà de l’aspect aventureux de cette histoire, on suit aussi les tourments d’une femme prisonnière dans son rôle d’épouse, de mère et de noble. On voit son quotidien, fait d’abnégation de soi et de privation, pour le bien de “l’autre”, qu’il ou elle soit le mari, l’amant, l’amie ou l’enfant. Oublier ses passions et prendre sur soi en permanence pour aller de l’avant, pour l’autre ou pour les autres. Ce voyage remet en cause bien des préjugés et des acquis. Quelque part, ce livre invite à se questionner sur les conditions sociales et sur le statut des femmes en général. Aussi, on ne peut qu’être ému par le courage et la grâce qui émane de Dame Carillon face à l’adversité la plus totale. Mais tout cela se fait avec une certaine douceur. Robin Hobb a une écriture très délicate. Malgré la dureté de certaines scènes, ce récit, très plaisant à lire, est touchant. Exaltant à bien des égards même. 


Sur l’autrice : Qui est Robin Hobb ?



La quatrième de couverture nous précise que “c’est un des maîtres de la littérature de fantasy”. Oui, un maître. Sachant que Robin est une femme. Si l’emploi de "maîtresse (de la littérature)" gênait, on aurait pu écrire “une figure majeure de”, "une pionnière", “ une valeur sûre”, mais non : Robin est un maître !

On nous dit aussi que Robin vit dans l'État de Washington avec son mari et ses 4 enfants. En revanche, on ne sait pas si elle possède un chat ou si elle a son permis de conduire et ça, franchement, c’est bien dommage.

Fort heureusement, on nous rappelle que Robin Hobb est l’autrice de deux monuments de la fantasy : L'Assassin royal et Les Aventuriers de la mer. C’est surtout ça qu’il faut retenir ! 

Ça, et le fait que Retour au pays est une vraie petite pépite à ne pas manquer ! 

vendredi 9 juillet 2021

Une feuille de perso pour Basic Fantasy

Voici une nouvelle feuille de perso pour Basic Fantasy, un très sympathique rétroclone. Il s'agit de la version française d'une des feuilles proposées par James V. West, que l'on trouve sur la page de téléchargement du site officiel du jeu.

Une de plus pensez-vous ? Oui, ok, mais avouez que celle-là a un look délicieusement rétro. Donc voilà ! ;-)






mardi 29 juin 2021

Le livre des petites magies

De l’art de faire disparaître les montagnes...

 et les chapitres ! 



Le Livre des petites magies est une novélisation des toutes premières séances de l’Actual Play d’Aria / Games of roles, saison 1. C’est un récit écrit par Fibretigre lui-même, et édité par Elder Craft. Son illustration de couverture couleur sépia manque d'éclat, mais il ne faut pas s’y arrêter. Vous avez là un excellent petit livre dans lequel on suit les pérégrinations d’un jeune apprenti qui parcourt le monde pour en apprendre un peu plus sur la magie.

C’est très agréable à lire, drôle et léger. Avec son style picaresque et ses petites surprises, ça aurait vraiment pu être parfait, mais il y a un gros “mais”. Un “mais“ énorme même : il manque un chapitre ! 

Oui, oui, un chapitre. Un chapitre entier ! En lisant, j’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’une ellipse. Mais non. Voici la page où a lieu le drame : 


Je vous résume la situation : le héros vient de quitter Xa la sorcière, et on le retrouve d'un seul coup en train de parler à une certaine Julia, comme si tout était normal. Sauf que cette Julia sort de nulle part : on n’a jamais entendu parler d’elle avant ! 

Ce chapitre manquant est également un moment important du récit, car l’auteur y présente la montagne sacrée. Avec cette “omission”, ce ne sont pas moins de deux jours de voyage qui passent à la trappe ! 

C’est étonnant que les relecteurs n’aient rien remarqué, tellement on bute à la lecture de ce passage sans queue ni tête. Du coup, j’ai cherché à comprendre. J’ai écrit à l’auteur, mais j’ai fait chou blanc. L’éditeur, lui, m’a expliqué “qu’apparemment c'était un choix éditorial de la part de Fibre de ne pas intégrer ce chapitre dans la version publiée (il n'a pas fourni le chapitre à nos éditeurs).”

Perso, j’aimerais croire à cette version, mais je ne suis pas convaincu par ce “choix”. Pas du tout. Pour moi, il s’agit ni plus ni moins d’un bug, un vrai, et à défaut d’avoir les explications de l’auteur, on devra se contenter de celles de l’éditeur.

Aussi, si vous voulez découvrir ce texte, dans sa version complète, je vous conseille de le lire en ligne ! Vous vous régalerez et peut-être, comme moi, souhaiterez-vous avoir une suite de ces aventures (et une suite *complète* s’il vous plaît ! ^^) !

Lire Le livre des petites magies, sur Wattpad


mercredi 9 juin 2021

Chroniques de Brebor

J'aime les actual play : j'ai le même plaisir à écouter des parties de jdr qu'à regarder un bon film, c'est vous dire. Du coup, je suis fan d'AP tel que Game of Roles, 2d+cool, Ceyzil ou Samuel Ziterman. Et puis dernièrement, je suis tombé sur les Chroniques de Brebor, dans lesquelles on suit les aventures mouvementées de Brebor, un firbold rôdeur niveau 3 qui devient courrier royal un peu par la force des choses, dans les Terres du Possible. 


C'est une partie à deux : 1 MJ, 1 joueur. Ça tourne avec AD&D, c'est plutôt court  (l'ensemble fait un peu moins de 3h) et surtout, c'est rudement bien mené, dynamique, drôle et pleins de bonnes idées ;-) Je ne vous en dis pas plus pour ne pas vous gâcher le plaisir, mais sachez que là, on a affaire à du très très bon. Merci donc à Maître Mô et à Seb pour ce très agréable moment passé en leur compagnie. 

Pour voir Les Chroniques de Brebor, cliquez ici ! 


mardi 13 avril 2021

The Landshut Rules

Landshut Rules et FKR


The Landshut Rules proposent un système de règles très minimalistes, inspirées de celles que l'on utilisait avant que D&D existe. Elles sont basées sur la façon dont Dave Arneson et Phil Barker ont dirigé leurs sessions de jeu. Le nom même du jeu, Landshut, provient du nom de la ville où est né son auteur, Norbert Matausch. Ce jeu fait parti de la mouvance FKR (Free Kriegsspiel Revolution), basé sur le principe “Play world, not rules”. Pour en savoir plus sur ce type de jeu, je vous renvoie à cet excellent article .

Notez aussi que cette traduction libre est l’une des 10 versions que compte ce jeu. J’ai pris celle qui correspondait le mieux à ma façon de voir les choses. Pour voir l’article original, cliquez ici.


Les règles 

Un perso est décrit en quelques mots, en précisant en quoi il est différent des autres. Si cette différence est dûe à un pouvoir particulier, discutes-en avec entre vous. 

Un perso n’a pas à proprement parler de caractéristiques. Juste, si l’on veut, on peut lui donner un avantage, comme "fort" ou "agile" ou "résistant" ou "charmant", "érudit", "sage"... 

Un perso encaisse un certain nombre de coups avant de mourir. Souvent 4, mais c'est l'arbitre qui précise combien exactement. Une blessure fait perdre un coup. Ceci dit, un résultat de dés très élevé lors d’un combat ou une action conduisant à une prise de risque stupide, peut tout à fait amener à être gravement blessé, voire mourir directement.  

Les protections absorbent les premiers dommages reçus en offrant des points d’encaissement supplémentaires : un bouclier protège d’1 coup, les armures légères, d’1 coup aussi, les armures moyennes, de 2 et les armures lourdes, de 3.

Pour connaitre l'issue d'une situation incertaine, on jette 2d6 (+1 si un avantage est utilisé). Le score final indique la qualité du résultat obtenu : 

10 et + : élevé, très bon

6/9 : moyen - résultat mitigé (succès avec un inconvénient ou échec avec un avantage)

5- : mauvais

Quitte ou double ? L'arbitre peut également lancer 2d6 contre les joueurs. Le résultat le plus élevé indique quel camp l’emporte.

Autre possibilité si vous voulez jouer avec tous vos dés : l'arbitre évalue la capacité du perso pour réussir une tâche en lui assignant un dé, de d4 à d20. D8 est moyen, d4 vraiment non compétent et d20 expert dans le domaine.

L’arbitre évalue aussi la difficulté de l’action en lui attribuant un dé.

Chaque parti jette son dé : le résultat le plus fort indique quel camp l’emporte.