vendredi 23 décembre 2022

Tchao Tric Trac


Cette semaine, la sphère ludique a appris une terrible nouvelle. Le grand ancien et vénérable site de jeux Tric Trac arrête ses activités. Pour ceux qui l'ignorent, Tric Trac était le plus important site de jeux de société francophone, et il comptait plusieurs millions de visiteurs uniques par an. Une référence dans son genre. Je ne parlerai pas ici des raisons qui ont poussé à cet arrêt brutal (les concernés en parlent mieux que je ne saurai le faire ici ou ). Je voudrais surtout rendre hommage à ce site. Car, quelque part, j’ai partagé 20 ans de ma vie avec. 20 ans, vous vous rendez compte ! Du coup, forcément, même si je lui étais un peu moins fidèle ces derniers temps, ça fait un peu bizarre de le voir quitter la scène. Il faut dire que Tric Trac m’a accompagné jusqu’à dans ma vie la plus personnelle. Même si, quand on voit la photo de Monsieur Phal (plus haut), ça peut faire peur !

Avant de découvrir Tric Trac, en 2003, j’étais très joueur et il m’arrivait déjà de créer des jeux. Oui, oui, j’ai été élevé avec Jeux & Stratégies, j’avoue ! Mais je n’avais jamais envisagé cette activité dans son aspect professionnel. Et Tric Trac m’a ouvert les yeux à ce sujet, m’a révélé un monde que je ne m'imaginais pas. Un monde avec ces intrigues et ces enjeux financiers, ces marchés et ces tendances, ces stars, ces festivals, ces must-have ludiques. Un monde vivant, créatif et enthousiasmant. Un monde aussi dans lequel je me suis fait une place, certes petite, mais quand même : Tric Trac non seulement m’a fait découvrir l’étendue incroyable du monde des jeux modernes mais m’a permis de faire des vraies rencontres et de m'améliorer dans la création.

Ainsi, c’est aussi grâce à TT que j’ai eu la chance d’avoir éditer quelques jeux, notamment Double-ciel, Chicago Stock Exchange, Magic Cooking, Brunan ou Hello Dolly.  

J’ai même fait une Tric Trac TV avec ce bon Dr Mops, comme on le voit ici avec cette présentation de Chicago Stock Exchange.

Mais surtout, c’est grâce à Tric Trac et son forum que j’ai rencontré la femme de ma vie. Et ça, ça n’a pas de prix ! 


Pour finir, je voulais ici remercier tout ceux qui ont fait Tric Trac, les anciens, à commencer par Monsieur Phal ou Dr Mops, ceux qui m’ont fait que passé et ont illuminé le paysage ludique quelques trop courts instants et les dernier.es arrivé.es qui ont été courageux.euses et n’ont pas rechigné à la tâche. Merci à vous toutes et tous pour le boulot que vous avez accompli et à bientôt je l’espère pour de nouvelles aventures ludiques.



samedi 10 décembre 2022

Roll & Rôle

Roll & Rôle est un jdr pour jouer “comme dans les films d’horreur”. C’est un livret de 40 pages, avec de jolies illustrations pop art qui rappellent les affiches de films d’horreur des années 70. Il se compose d’un système de jeu, de 5 scénars, d’aides de jeu et de 18 cartes personnages.

Le système de jeu est simple : quand un personnage tente une action difficile, on jette un dé auquel on ajoute la valeur d’une caractéristique. Le MJ peut octroyer 1 point de bonus ou de malus selon les conditions. Si le résultat final atteint au moins 5, l’action est réussie. On obtient ainsi un résultat final qui va de 1 (catastrophique) à 10 (exceptionnel) en passant par 5 (réussi de justesse).

Roll & Rôle est un jdr sans comptage de points de vie. Quand un personnage subit une blessure, on évalue son importance : une blessure grave donne un malus de 1 au lancer de dé. Une des bonnes idées du jeu est de graduer les blessures selon l'avancement du scénario, un scénar étant divisé en trois actes. Durant le premier, il est conseillé, le cas échéant, de blesser légèrement les personnages. Dans le deuxième, on peut se lâcher un peu plus (blessure sérieuse), pour finalement suivre complètement les dés dans le troisième acte. Autrement dit, si un résultat final de 2 ou 3 ne vous apporte que des désagréments dans le premier acte, il risque de vous être fatal dans le troisième. Cela contribue à augmenter la tension de la partie. Cette façon de faire est simple, maline et très bien vue. 


Il y a 18 personnages prétirés, présentant tous une illustration et des caractéristiques. Chaque scénar fait appel à seulement quelques-uns de ces personnages. Les autres sont mis à la disposition des joueurs et des joueuses au début de la partie.



Chacun des cinq scénarios proposés tient en deux ou trois pages. Ils suivent tous une structure simple et précise : présentation des protagonistes, intro, et description des événements en trois actes. Tous sont bien fichus, et bien ancrés dans le thème. Et avec cinq scénars à l’ambiance très variée (zombies, huis-clos, vaudou…), il y en a pour tous les goûts. 

En bref, Roll & Rôle, avec seulement 40 pages, est un excellent jeu pour passer une soirée sympa entre potes, sans trop se prendre la tête. On apprécie la bienveillance des auteurs qui n’hésitent pas à prodiguer aide et conseils. Simple, efficace et généreux, Roll & Rôle est une vraie réussite et s’avère la bonne surprise rolistique de cette fin d’année. S’ils vous reste un cadeau à faire, à un.e rôliste ou à vous-même, n’hésitez pas à vous procurer cet excellent petit jdr ! ;-)


Roll & Rôle Soirée Horreur est un jdr de Vianney CARVALHO et de Mohammed RAHMANI, disponible chez Posidonia Éditions ou dans toutes les bonnes boutiques ;-)



samedi 26 novembre 2022

Basic fantasy : feuille de personnage 2, le retour.

Il y a un peu plus d'un an, je vous proposais sur ce même site une feuille de perso délicieusement old-school, et en français, pour Basic Fantasy. Voici aujourd'hui sa nouvelle version : la même feuille mais sans les jets de protection. Basic fantasy est un excellent jeu et le seul reproche que j'y ferai est d'avoir gardé le système de jets de protection, alors qu'un bon jet de carac fait tout aussi bien l'affaire. Bref, perso, je préfère ignorer cette mécanique, et du coup, j'ai refais une feuille "sans". La voici. 
Faites-en bon usage et bon jeu à vous ;-)

fdp basic fantasy


samedi 22 octobre 2022

Les Anneaux de Pouvoir : Donjon & Mauvaise Foi



    “Le scénario est insipide et creux. Il y a trop de sous-intrigues. C’est incohérent. C’est long, et plein de scènes inutiles. Les acteurs sont mauvais et pas beaux. L'écriture et les dialogues sont tout simplement calamiteux. C’est tape à l'œil. Tolkien n’est pas respecté : les elfes ont des oreilles pointues ! Hérésie !”

    Tel est le type d'arguments des détracteurs de la série télé Les Anneaux de pouvoir. J'ignore ce qu’ils en attendaient, mais tout semble bon pour se justifier. Tout et son contraire. Quitte à être de mauvaise foi. Pourquoi un tel acharnement ? Pourtant, cette série est loin d’être aussi horrible qu’on peut le lire. Au contraire, on peut même éprouver du plaisir en la regardant ! 

    Alors qu’en est-il exactement ? Les Anneaux de pouvoir est une production d’Amazon pour contrer Le Trône de fer, le succès de son concurrent HBO. Même si Amazon a obtenu les droits de certains écrits de Tolkien, il a été dit dès le départ que cette série s'inspirerait du Seigneur des Anneaux. Car si la série se déroule dans le même cadre, elle n’a jamais prétendu en être une adaptation fidèle. Au contraire, elle prend des libertés et se réapproprie l’univers des Terres du milieu. On peut discuter de cette façon de faire mais tout était clair dès le départ. Aucune embrouille à ce niveau-là.

    Il ne faut pas non plus se leurrer sur les objectifs d’Amazon : faire du bénéfice. Cette série a par conséquent été conçue pour plaire au plus grand nombre. Elle n’hésite pas à prendre toutes les libertés qu’elle souhaite pour parvenir à ses fins. Mais aussi à y mettre les moyens. Les Anneaux de pouvoir est avant tout une série familiale. Ici, pas de sexe, pas d’hyper violence, pas de discours graveleux… Forcément certains trouvent ça insipide : tu imagines comme ça doit être chiant une série sans viol et sans tête coupée ? D’autres, au contraire, adhèrent à cette volonté de faire une série qui ne soit pas inutilement dérangeante ou choquante, mais légère et plaisante à regarder.

    Alors oui, il ne faut pas chercher de réalisme ou de cohérence dans cette série. Il y a des clichés, des anomalies, des facilités scénaristiques, mais dans les grandes aventures de ce type, c'est souvent le cas, et on n’en fait pas toute une histoire. Au contraire, on le sait d’avance, et on n’attend même que ça. Et puis, quelle importance tant quand on en prend plein les mirettes ? Il faut vraiment voir ces Anneaux comme un spectacle tout public, avec de l’action au goût du jour, dans des décors de toute beauté, et rien de plus (mais excusez du peu !) On est plus proche d'un film d’action à la Bruce Willis que d'un film de Rohmer. C’est une belle épopée fantastique avec des mystères et de grandes batailles, le tout joué par des acteurs et actrices qui assurent bien leur rôle. Cette série ne s’adresse pas aux uniques fans de Tolkien, mais à toutes et tous et ça, ça peut aussi en gêner quelques uns. 




    Bref, si vous aimez Tolkien et avez une image très précise de ce que doit être son œuvre et/ou si vous pensez que les elfes n’ont pas les oreilles pointues, passez votre chemin : cela vous évitera bien des déceptions ! En revanche, si vous aimez le med-fan et ne pas vous prendre la tête, n'hésitez pas à regarder cette série qui est avant tout, et quoiqu’on en dise, un divertissement très sympa.


mardi 26 juillet 2022

Mutations Glaciaires

 Mutations Glaciaires


En 1985, Gallimard s’associe à Télérama pour publier un magazine à destination des 11/16 ans : Piranha, "le journal qui vous dévore". Le concept est simple : un magazine culturel + un roman + un jeu (avh ou jdr). Mais, certainement parce que la revue n’a pas eu le succès escompté, elle s'est éteinte au bout d'une année. 

Cinq de ses numéros possédaient un jeu de rôle. Parmi ceux-ci, Mutations glaciaires, paru en novembre 1986. Une suite fut éditée dans le numéro suivant : La Cité de verre. Une troisième partie devait conclure cette série, mais le numéro n’étant jamais sorti, sa teneur en reste un mystère.


Écrit par Laurent Auday et Georges Besnard, et illustré par Donald Grant, c’est un jeu de rôle de format court puisque chaque encart tient en 8 pages seulement.

Comme le nom du jeu le laisse supposer, la Terre vit maintenant une ère importante de glaciation. Elle a entraîné une métamorphose géopolitique et sociale importante de notre société. Afin de se protéger du froid intense, on vit dans des villes-bulles plus ou moins indépendantes. Heureusement, la technologie n’a pas périclité et a permis à l’espèce humaine de résister face à ce fléau. Mieux que ça, elle a évolué et des robots lui permettent de maintenir son bien-être, voire de veiller à sa protection. Dans le même temps, des mutants commencent à apparaître en ville. Ces anomalies génétiques entraînent une violente répulsion, et des brigades anti-mutants voient rapidement le jour. 

Il n’en faut pas plus (de toute façon, ne cherchez pas : il n’y en a pas plus !) pour se lancer dans l’aventure. Le jeu propose d’ailleurs plusieurs aventures, mais elles sont très courtes - on devrait plutôt parler d’introductions. Elles permettent de découvrir deux facettes du monde de jeu : serez-vous le chasseur ou le fugitif ? Dans le premier cas, vous êtes un anti-mutant, et il vous faut rattraper des mutants qui viennent de s’évader d’une base secrète. Dans le second cas, vous êtes un mutant et vous devez vous évader d’une base secrète où vous êtes prisonnier.


Côté système de jeu, c’est très classique avec des caractéristiques et des compétences : on jette 3 dés et on doit faire autant ou moins que son score pour réussir. Notons toutefois qu’on y utilise une table de résolution de combat ,comme on pouvait alors en croiser dans les wargames : ce sont les types d’attaque et de défense qui détermine la difficulté de l’action. Ajoutez quelques modificateurs pour nuancer les situations et vous avez là quasi toutes les règles. 

Tout cela reste simple et largement suffisant pour tester le jeu. Tester, car, et c’est là le côté énervant du jeu, on nous y annonce plusieurs fois qu’il n’est qu’un préambule à une suite à venir dans des prochains numéros du magazine… mais l’un d’eux, on le sait donc, ne verra jamais le jour.

Évidemment, on ne peut pas parler de ce jeu sans évoquer La Compagnie des glaces, le jdr de Fabrice Cayla et de Jean-Pierre Pécau. D’autant plus que ce dernier est sorti quelques mois avant (coïncidence ?). On avait reproché à l’époque à la Compagnie des glaces, le jdr, son austérité, sa présentation bancale et surtout son inutile et relative complexité… En ce sens, Mutations glaciaires aurait pu être une alternative digne d'intérêt.

Ceci dit, Mutations glaciaires est un peu frustrant en ce qui concerne la création de persos. Il n’y en a pas, on joue avec des pré-tirés.  On n’y trouve pas de listes de mutations par exemple, ce qui est dommage puisque c'est le titre du jeu. Un poil plus de généralité sur les dessous et les aboutissants du monde auraient été bienvenus… Peut-être que ces sujets devaient être abordés dans la troisième partie, mais en l’absence de celle-ci, on en est là ! Ces manquements invitent à se demander si Mutations glaciaires atteignait vraiment son objectif, à savoir, initier les jeunes aux jdr. 

Malgré tout, j’ai pris du plaisir à lire cet ancêtre qui fleure bon les années 80. Mutations glaciaires, en plus de proposer un univers ni tout blanc, ni tout noir, permet de jouer les rôles opposés. On peut penser à INS/MV qui apparaitra 4 ans plus tard ou encore au génial Psy*run où l’on joue soit les poursuivis, soit les poursuivants. Je peux me tromper mais, à ma connaissance, Mutations glaciaires est un des premiers jeux à directement offrir cette possibilité. 

Imparfait mais intéressant, Mutations glaciaires est une curiosité rôlistique qui rendra peut-être nostalgique les plus anciens d’entre nous. À réserver aux collectionneurs.  

* * * * *

Bonus : Pour avoir une idée de ce que ce jeu peut rendre, vous pouvez écouter une partie  (précédée par une critique sans pitié du magazine !) par l’équipe du podcast PDVELH : clic !

 

samedi 22 janvier 2022

Retour au pays, de Robin Hobb

 


Retour au pays est un livre de Robin Hobb édité en 2004. Plus qu’un roman, c’est une grosse nouvelle de 200 pages, sous forme de journal intime. Dame Carillon y raconte comment elle a été contrainte par son mari de quitter sa douce Jamaillia pour rejoindre une terre lointaine. Au fil de notre lecture, nous en apprendrons plus quant aux tenants et aux aboutissants de cet exil et nous explorerons le mystérieux Désert des Pluies qui cache une cité antique encore plus étrange. Mais ce voyage est loin d’être de tout repos et nos aventurier.ères seront souvent malmené.es, à deux doigts de passer de vie à trépas, tant les conditions de vie sont catastrophiques, la nourriture rare, etc. Nous avons donc affaire à un récit qui nous plonge directement au cœur de l’Aventure avec un grand A, évoquant une expédition pleine de dangers et d’imprévus, un peu à la façon dont les premiers colons européens ont dû découvrir l’Amérique. Ce sentiment est d’autant plus fort que, bien qu’on le qualifie de “fantasy”, ce récit est essentiellement médiéval, avec un soupçon de fantastique.



Au-delà de l’aspect aventureux de cette histoire, on suit aussi les tourments d’une femme prisonnière dans son rôle d’épouse, de mère et de noble. On voit son quotidien, fait d’abnégation de soi et de privation, pour le bien de “l’autre”, qu’il ou elle soit le mari, l’amant, l’amie ou l’enfant. Oublier ses passions et prendre sur soi en permanence pour aller de l’avant, pour l’autre ou pour les autres. Ce voyage remet en cause bien des préjugés et des acquis. Quelque part, ce livre invite à se questionner sur les conditions sociales et sur le statut des femmes en général. Aussi, on ne peut qu’être ému par le courage et la grâce qui émane de Dame Carillon face à l’adversité la plus totale. Mais tout cela se fait avec une certaine douceur. Robin Hobb a une écriture très délicate. Malgré la dureté de certaines scènes, ce récit, très plaisant à lire, est touchant. Exaltant à bien des égards même. 


Sur l’autrice : Qui est Robin Hobb ?



La quatrième de couverture nous précise que “c’est un des maîtres de la littérature de fantasy”. Oui, un maître. Sachant que Robin est une femme. Si l’emploi de "maîtresse (de la littérature)" gênait, on aurait pu écrire “une figure majeure de”, "une pionnière", “ une valeur sûre”, mais non : Robin est un maître !

On nous dit aussi que Robin vit dans l'État de Washington avec son mari et ses 4 enfants. En revanche, on ne sait pas si elle possède un chat ou si elle a son permis de conduire et ça, franchement, c’est bien dommage.

Fort heureusement, on nous rappelle que Robin Hobb est l’autrice de deux monuments de la fantasy : L'Assassin royal et Les Aventuriers de la mer. C’est surtout ça qu’il faut retenir ! 

Ça, et le fait que Retour au pays est une vraie petite pépite à ne pas manquer !